Les croix, emblèmes nationaux
au Moyen Âge
Dans l'esprit du grand
public, un combattant
médiéval portant une croix sur ses
vêtements
est aussitôt associé aux Croisades ; ce qui,
à
l'origine, est vrai.
Mais la croix prend une
autre signification
à la fin du Moyen Âge. Dès le milieu du
XIVe
siècle, les combattants Français et Anglais se
reconnaissent
grâce à des croix de couleurs
différentes
; cet exemple est bientôt imité par d'autres
nations.
Ces croix sont portées jusqu'à la fin du XVe
siècle,
et même beaucoup plus tard.
Il peut s'agir de deux
bandes de drap de
laine, fixées sur le vêtement ou sur l'armure, ou
cousues à un surcot porté par-dessus le reste de
l'équipement.
La « croix de saint Georges » (croix rouge) anglaise
« L'en leur court sus par derriere
O haches de nouvelle forge,
Et crioit l'en bien hault : Saint George »
("Histoire de Jehan IV dit le Conquérant",
poème breton de la fin du XIVe siècle,
passage racontant la bataille d'Auray)
Ce sont
peut-être les Anglais qui,
sur ordre du roi Edouard III, ont les premiers repris une croix comme
signe de reconnaissance sur le champ de bataille au milieu du
XIVe siècle.
Cette croix est rouge
et symbolise les
armoiries mythiques du saint invoqué dans le cri de guerre
national : « Saint Georges ! »
Combat entre Français à croix blanche et Anglais à croix rouge
(miniature du XVe siècle, BNF)
Les archers à croix rouge de retour en Normandie 550 ans après :
membres du groupe anglais « Mesnie Nicolas » lors de la reconstitution
de la bataille de Formigny (1450) en Septembre 2000
(photo « Moyen Age »)
La croix blanche française
L'usage d'une croix
blanche par des troupes
françaises est attesté dès 1355.
Cet archer, membre de « Lys & Lion 1462 »,
porte la livrée à croix blanche des soldats français du XVe siècle
(photo « Lys & Lion »)
« Il porte la croix blanche, les esperons doréz
Et au bout de sa lance, ung fer d'argent doré.
Ne pleurez plus la belle, car il est trespassé :
Il est mort en Bretaigne, les Bretons l'ont tué »
("Gentilz Gallans de France", chanson française du XVe siècle)
La croix noire bretonne
Quelques auteurs
supposent que les Bretons
portaient déjà une croix noire lors des
Croisades, mais on ne trouve guère de sources
sûres
à ce sujet avant le XVe siècle.
Il semble, par exemple,
peu probable que
les Bretons du début de la Guerre de Cent Ans aient
porté
la croix noire : la guerre de Succession de Bretagne (1341-1364)
les divise en deux camps, l'un allié aux Anglais, l'autre
allié aux Français, et chaque camp
paraît
accepter
les usages de son grand allié. Il est vrai qu'à
Auray (1364) Jean IV crie « Malo au riche duc !
» mais
il s'agit là d'un cri de ralliement dynastique
plutôt
que national.
Lorsqu'en 1373 ce
même duc Jean IV,
provisoirement exilé, chevauche en Aquitaine contre les
Français, il est rémunéré
selon le
barême officiel des nobles anglais ; on peut donc supposer
que lui et sa suite portent soit la croix rouge, soit rien du
tout. Et lors d'une escarmouche, le duc lance son cri de guerre
mais ses gens le suivent avec le cri anglais :
« Et va criant comme un Turc :
Malo, Malo au riche Duc.
Ses gens crioient à plaine gorge,
En courant après li : Saint George »
("Histoire de Jehan IV dit le Conquérant",
poème breton de la fin du XIVe siècle)
Il n'est
mentionné aucune croix lors
du retour de Jean IV en Bretagne en 1379. Celle-ci fut-elle
adoptée
sous son règne ? Ou sous celui de Jean V, au moment ou
les Bourguignons adoptent leur sautoir rouge pour répondre
à la situation troublée du royaume ? Ou beaucoup
plus tard ? La question reste ouverte...
Bretons à croix noire contre Anglais à croix rouge.
Cette illustration représente un événement survenu en 1351, mais est beaucoup plus tardive ; les équipements correspondent à la fin du XVe siècle et on ne peut donc pas en conclure que la croix noire était déjà portée au XIVe.
(le Combat des Trente (détail), miniature du XVe siècle, BNF)
La croix noire est en
tous cas le signe
de reconnaissance des troupes bretonnes du duc François
II contre les soldats à croix blanche de Louis XI, puis
d'Anne de Beaujeu, durant les conflits britto-français
qui commencent en 1465 pour culminer à la fin des
années
1480.
Surcots à croix noire portés par le corps de « Francs-archers vannetais »
du groupe les « Lances de Bretagne »
(animation au Fort la Latte (22), mai 2004)
La « croix de saint André » : le sautoir bourguignon
Philippe le Hardi, fils
du roi de France
Jean II le Bon, reçoit de celui-ci le duché de
Bourgogne
en 1364. La Bourgogne fait alors bien partie du royaume et ses troupes
portent, à cette époque, la croix blanche
française.
Les choses changent au
début du XVe
siècle : la guerre civile fait rage en France entre
les « Armagnacs » et les
« Bourguignons ». Ceux-ci
abandonnent alors la croix blanche, puis adoptent un
« sautoir »
(croix transversale), la « croix de saint
André ».
Saint André, lié à sa croix transversale,
au-dessus des armoiries du duc de Bourgogne
(miniature du début du XVe siècle, BNF)
Le sautoir rouge est
donc porté sur
les champs de bataille par les troupes des ducs Philippe le Bon
et Charles le Téméraire. A la mort de ce dernier,
en 1477, le duché de Bourgogne est
démembré : une partie de ses domaines
est
récupéré
par l'archiduc d'Autriche, époux de Marie de Bourgogne
(fille de Charles) ; l'usage du sautoir rouge y sera maintenu.
Le sautoir blanc, emblème de l'Ecosse
Aux XVe et XVIe
siècles, les troupes
écossaises se reconnaissent à un sautoir blanc,
et portent une bannière bleue à sautoir blanc (en
plus de la bannière au lion des rois d'Ecosse).
En
complément à
cet article, lire aussi :
La persistance de ces croix jusqu'à nos jours
Huchehault
à travers les siècles
(animations toutes époques)
http://www.huchehault.com/